Le nouveau pont de Gênes est annoncé pour le printemps 2020.
Quand j’ai annoncé ça à Christian, mon compagnon, il m’a répondu : « Tu verras qu’à cette date les travaux n’auront toujours pas commencé ! »
Pessimiste? Non, Italien!
Il sait donc de quoi il parle.
Il connaît la lenteur de la bureaucratie, il sait les enjeux de la classe politique et la difficulté à trouver des accords.
14 août 2018 : la nouvelle qui glace le sang
Une partie de la Ligurie est battue par de gros orages depuis le début de la matinée, ce mardi 14 août 2018, veille de Ferragosto, quand à 11h36, le viaduc Polcevera s’effondre, emportant avec lui une trentaine de véhicules. Le bilan des victimes s’élèvera à 43 morts et 16 blessés.
La Ligurie est touchée au cœur. Coupée en deux !
Le lendemain de la catastrophe, le mercredi 15 août, le gouvernement a déclaré la ville de Gênes en état d’urgence. Les opérations de secours et de recherche vont se prolonger jusqu’au 19 août, employant un millier de personnes.
Au début, je n’y crois pas, je ne veux pas croire qu’il s’agit du pont qui surplombe Gênes.
Je suis passée sur ce pont des centaines de fois, seule ou avec ma famille. Christian l’a emprunté 10 jours plus tôt pour aller voir ses parents.
J’en tremble…
Ce qui est arrivé à ces 43 victimes, ça aurait pu m’arriver ou arriver à un de mes proches…
Chronique d’une tragédie annoncée
Le pont Morandi, ouvrage d’ingénierie civile du à l’ingénieur Riccardo Morandi, est construit entre 1963 et 1967, année de sa mise en service, par la Società Italiana per Condotte d’Acque (SICA) et sera inauguré par le président de la République Giuseppe Saragat le 4 septembre 1967.
On est à la fin du boom économique italien !
Les familles italiennes ont presque toutes une voiture et connaissent désormais les problèmes liés aux embouteillages.
Le pont est destiné à réguler le trafic.
La construction du viaduc du Polcevera sur l’Autoroute A10 suscite donc l’enthousiasme de la presse mais aussi de l’opinion publique.
C’est une infrastructure stratégique pour relier le nord de l’Italie au sud de la France, en plus d’être la principale liaison entre l’est et l’ouest de la Ligurie ainsi que le sud de l’Italie.
Dans les semaines qui vont suivre l’effondrement du pont Morandi, on découvre que de nombreuses alertes ont été données quant à son état de délabrement mais que les travaux nécessaires n’ont pas été faits.
Morandi lui-même, à la fin des années 1970 / début des années 1980, constate l’érosion du pont due à l’air marin et aux fumées corrosives des aciéries de Cornigliano. Il préconise des interventions de manutention ciblée dans les meilleurs délais.
Suite aux travaux faits en 2016, le sénateur de la République Maurizio Rossi, présente une interrogation sur l’avancée de la mise en sûreté au ministre des transports qui restera sans réponse.
En 2017 des vérifications faites par l’École polytechnique de Milan sur les pylônes 9 et 10 ont mis en lumières de graves dégradations au niveau du pylône 9. Suite à cela, la société qui gère les autoroutes a publié un appel d’offres pour la réalisation de travaux d’adaptation structurelle… avec date d’expiration au 11 juin 2019 !
18 janvier 2019 : un nouveau pont pour Gênes ?
La nouvelle vient de tomber.
Un accord a été signé.
On connaît même la date de l’inauguration : ce sera le 15 avril 2020.
Les autorités en charge du projet prévoient la fin du chantier pour fin 2019.
« Nous voulons donner un signal au monde, en Italie les belles choses se font bien aux justes coûts et dans les temps impartis. »
Marco Bucci, maire de Gênes et commissaire à la reconstruction, lors de la conférence organisée à Palazzo Tursi pour la signature du contrat de démolition/reconstruction du pont
C’est Renzo Piano, architecte de renom génois , qui est chargé de dessiner le nouveau viaduc qui s’élancera à nouveau au-dessus de Gênes. Il est l’auteur du Centre Pompidou à Paris, The Shard dans l’est de Londres mais aussi d’une vingtaine de réalisation à travers l’Italie, comme en 1992, l’Acquarium de Gênes et en 2002 l’Auditorium Parco della Musica de Rome.
« Un pont durable, qui reste mille ans sur pied. Beau, solide, simple. […] Nous ne pouvons pas oublier que c’est à cause d’une tragédie que nous sommes ici. Les ponts ne doivent pas et ne peuvent pas s’effondrer. Aujourd’hui nous signons un document mais nous avons déjà commencé à travailler depuis quelque temps déjà, dans une collaboration constructive. Je suis très content parce qu’il s’agit d’une belle équipe. On parle d’édifier : un très beau mot »
L’architecte Renzo Piano, lors de la conférence organisée à Palazzo Tursi pour la signature du contrat de démolition/reconstruction du pont
Il faudra d’abord démolir ce qu’il reste du pont Morandi.
Depuis l’effondrement nous sommes passés par Gênes déjà deux fois.
On sort de l’autoroute à Genova-Aeroporto pour rentrer à Genova-Est.
Au moment de longer le port, en se tournant vers la gauche, on a une vision complète sur le pont et voir le vide laissé par l’effondrement fait toujours froid dans le dos !
Il n’y a plus qu’à espérer que le projet voit le jour dans le temps imparti pour que Gênes puisse repartir sur de nouvelles bases et que les discours tenus lors de la signature du contrat de démolition/reconstruction du pont à Palazzo Tursi le 18 janvier dernier ne soit pas une chimère.